Le soulier de Lola ou lettre ouverte à une femme très bien

Fuente: Oumma.com (27/2/2009)
Nadia Yassine. Porte parole du mouvement musulman marocain Al-Adl Wal Ihsane (Justice et Spiritualité)
Après les avoir initialement inclus dans le programme de sa prochaine édition, le prestigieux festival « La Mer de la musique » de Carthagena vient d’exclure Nadia Yassine, porte parole du mouvement Justice et spiritualité, et le journaliste exilé en Espagne Ali Lmrabet, emprisonné en 2003 pour outrage à la personne du roi.
Ils ne participeront donc pas aux débats qui auront lieu à cette occasion autour du Maroc et de ses productions littéraires et intellectuelles. Suite à cette censure inacceptable et incompréhensible, Lola Lopez Mondéjar, l’organisatrice de ces débats, a démissionné du festival. Elle a dénoncé, par sa démission, l’ingérence, la censure et l’atteinte inacceptable à la liberté d’expression des autorités marocaines. Ces derniers ont exigé que Nadia Yassine et Ali Lmrabet ne soient pas inclus dans le programme des actes, et discussions prévues pour Juillet.
Et c’est pour saluer son geste de solidarité courageux, que Nadia Yassine lui a écrit une lettre ouverte.
Le soulier de Lola ou lettre ouverte à une femme très bien
Chère Lola,
Nous sommes à un tournant de l’Histoire où tout se mêle et s’entremêle ; une tour de Babel où l’on ne se perçoit plus qu’à travers un brouillard de données qui donne envie parfois de baisser les bras et de laisser les choses pourrir doucement au gré des jours. Qu’il est difficile de contrer cet embouteillage de l’histoire humaine où le mensonge se déguise en vérité, le bourreau en victime, la victime en bourreau, l’autocratie en démocratie et la démocratie en autoritarisme. La visibilité est nulle.
Non Lola, l’Histoire n’est pas finie, l’histoire continue de plus belle, ou plutôt de plus moche si je peux me permettre l’expression !!! L’homme est encore un loup pour l’homme et la raison d’Etat est encore au dessus de toutes les considérations.
L’histoire continue et les fissures sont de plus en plus grandes entre les discours à l’eau de rose et les politiques à l’odeur de souffre qui peuvent, pour des raisons toujours inacceptables, laisser tout un peuple mourir comme des rats ou encore une voix être éteinte dans une complicité révoltante. Il est vrai que mon cas et celui de Ali L’mrabet ne sont pas comparables au drame des gens de Gaza, mais la logique est la même : la violence contre le droit.
Il est vrai que si le génocide de Gaza conjugue la violence pure, brutale, triviale, à la violence symbolique, cette interdiction me concernant reste une violence purement symbolique.
Le lien dialectique entre ces deux formes de violence est, de toute façon, vite établi puisque la violence appelle la violence et l’humiliation appelle le fanatisme (selon la formule de Tzvetan Todorov) ; et on ne sait plus quand la violence symbolique provoque la violence tout court et quand la violence tout court enfante la riposte symbolique ! Va savoir !
Ce qui est sûr chère Lola, c’est que nous assistons à une vraie révolution qui permet de contrer le fait politique ou guerrier par le fait médiatique et la violence par le symbole.
L’esprit citoyen consistait au temps de la démocratie nouvellement née de l’utérus sanglant de l’Europe à prendre les armes afin de la défendre. L’esprit citoyen moderne consiste à faire des gestes qui parfois deviennent tellement spectaculaires et tellement forts qu’ils arrivent à bousculer l’Histoire à défaut de la finir.
Rappelle toi Lola, il n’y a pas si longtemps de cela, cet Irakien au prénom symbolique qui a osé se mettre en colère devant un discours sirupeux qui dénote avec la réalité sanglante. Il s’appelle Montazir, ce qui veut dire en arabe « celui qui attend ». Il attend peut-être que l’on comprenne que parfois il faut briser le silence complice par des gestes parlants !!!
Il est vrai, chère et précieuse Lola, que la ligne était limitrophe entre la violence tout court et la violence symbolique. La tête de Bush en aurait su quelque chose si ses cours de tennis ne lui avaient pas permis des reins assez souples pour esquiver le coup. J’ai longtemps imaginé l’horreur si c’a avait été un gouvernant oriental qui ne gouvernerait pas si bien ses reflexes et qui serait fidèle à la charge pondérale de rigueur dans les hautes sphères du pouvoir dans ces contrées !
Le geste n’en fut pas moins une signature qui disait toute l’exaspération que peuvent créer des gouvernants liberticides dans la nébuleuse des citoyens du monde. On n’en finira pas de parler de ce lancement de soulier à la figure du Gouvernant par excellence … Je crois, chère Lola, que ton geste fait partie de ces gestes citoyens qui meubleront désormais les cases désespérément vides de la démocratie, et combleront ses vides afin de rassurer l’humanité sur une expérience qui mérite de faire école mais qui subit les turbulences d’un monde devenu fou.
Les sociétés civiles ont tellement besoin de cette solidarité pour faire de l’avenir un monde viable. Il est impératif de jeter nos souliers, chacun à sa manière, à la figure d’une dictature rampante qui risque de plus en plus de contaminer les politiques, qu’elles soient nationales ou internationales. Je te remercie donc, chère Lola, pour ton lancer de chaussure à la figure des sphères décisionnelles de ton pays.
Je voudrais profiter de ma lettre ouverte pour toi Lola afin de dire à tous les esprits libres et courageux, à toutes les sociétés civiles aussi, que ces petits gestes sont de grands moyens pour opérer de vraies révolutions. Je me suis permis toutefois de visiter ton site pour m’assurer de la qualité de ton soulier car ton courage m’a fait penser à ces personnages entiers que Pedro Almodovar dépeint si bien.
J’ai craint que si tu portes des talons aiguilles comme Rebecca, le personnage essentiel dans le film du même nom, je ne sois accusée d’incitation au meurtre, moi que mon voile met directement sur la liste des suspects et des violents naturellement.
J’ai été rassurée de trouver sur ta page d’accueil une photo où tu portes de bons souliers de randonnée aux angles bien ronds. J’ai remarqué aussi les ruines athéniennes derrière ta pause déterminée ; et toi qui es psychanalyste et artiste, signifies-tu la décomposition des restes d’une histoire athénienne forcement démocratique !!! Ca m’a laissé rêveuse un moment, sans divan ; mais revenons à nos souliers !
Leur angle est inoffensif ; il n’y a donc aucun danger et ceux qui voudront me prendre au mot ne verront pas d’inconvénient à ce que tu envoies ta godasse à la figure de ceux qui cherchent à tuer la force de la pensée par le bâillon.
Il y a d’autant moins de danger que ton visage intelligent me dit que tu comprendras très bien le message qui se cache derrière mon maniement d’image. Le soulier auquel je fais allusion te concernant est ta démission qui fera encore plus mal qu’un talon aiguille transformé en projectile. A chacun son arme, et je dis à toute conscience citoyenne non-violente « à vos armes citoyens !!! », partez pour mieux rester, démissionnez, rouspétez, parlez, écrivez, manifestez, votez, criez ; en gros faites honneur à votre humanité. Lola, garde ton soulier, continue à faire des randonnées à Athènes et à méditer sur les vestiges d’une ère révolue mais envoie ta démission ; l’Histoire la recevra !
El zapato de Lola o carta abierta a una mujer muy correcta
Querida Lola:
Estamos en un momento crucial de la Historia donde todo se mezcla y entremezcla, una torre de Babel en donde uno sólo se percibe a través de una neblina de datos que dan a veces deseos de dejar todo, y dejar que las cosas se pudran poco a poco, al capricho de los días. Cómo es de difícil oponerse a este atasco de la historia humana, en donde la mentira se disfraza de verdad, el verdugo de víctima, la víctima de verdugo, la autocracia de democracia y la democracia de autoritarismo. La visibilidad es nula.
No Lola. La Historia no ha terminado, la historia continua muy campante, o mejor dicho muy feúcha, si me puedo permitir ¡la expresión!
El hombre sigue siendo un lobo para el hombre y la razón de Estado está aún sobre cualquier consideración. La historia continúa y las fisuras son cada vez más grandes, entre los discursos con agua de rosas y las políticas con olor a azufre que pueden por razones siempre inaceptables, dejar morir a todo un pueblo como ratas o apagar una voz en una complicidad indignante.
Es cierto que mi caso, y el de Ali L’mrabet no se pueden comparar con el drama de la gente de Gaza, pero la lógica es la misma: la violencia contra el derecho.
Es cierto que si el genocidio de Gaza conjuga la violencia pura, brutal, trivial, con la violencia simbólica, ésta prohibición que me concierne, sigue siendo una violencia puramente simbólica.
El lazo dialéctico entre estas dos formas de violencia es, de todas maneras, rápidamente establecido pues la violencia llama a la violencia y la humillación llama al fanatismo (según la formula de Tzvetan Todorov), y ya no se sabe cuando la violencia simbólica provoca la violencia a secas y cuando la violencia a secas, da a luz ¡la replica simbólica! ¡Váyase a saber!
Lo que es cierto, querida Lola, es que asistimos a una verdadera revolución que permite oponerse al hecho político o batallar por medio del hecho mediático y la violencia por el símbolo.
El espíritu ciudadano consistía, en tiempos de la democracia, acabada de nacer del útero sangriento de Europa, en tomar las armas con el fin de defenderla. El espíritu ciudadano moderno consiste en hacer gestos, que a veces, son tan espectaculares y tan fuertes que llegan a trastornar la Historia a falta de acabarla.
Acuérdate Lola, no hace mucho, de ese irakí con nombre simbólico que se atrevió a enfurecerse ante un discurso almibarado que denota con la sangrienta realidad. Él se llama Montazir, lo que en árabe significa “el que espera”. Él espera, tal vez, que comprendamos que en ocasiones hay que cortar el silencio cómplice por ¡gestos expresivos!
Es cierto hermosa y querida Lola, que la línea era limítrofe entre la violencia a secas y la violencia simbólica. La cabeza de Bush hubiese sabido algo, si sus lecciones de tenis no le hubiesen dado riñones suficientemente flexibles para esquivar el golpe. Durante mucho tiempo imaginé el horror, si hubiese sido un gobernante oriental, que no dominara muy bien sus reflejos, que fuese fiel al peso ponderal de rigor en las altas esferas del poder ¡en esas regiones! El gesto no fue sin embargo una firma que expresaba toda la exasperación que pueden crear gobernantes liberticidas en la nebulosa de los ciudadanos del mundo. No se acabará de hablar de este lanzamiento de zapato al rostro del gobernante por excelencia…
Creo querida Lola, que tu gesto hace parte de esos gestos ciudadanos que decorarán, desde ahora, las cabañas desesperadamente vacías de la democracia y rellenarán esos vacíos, con el fin de asegurar a la humanidad de una experiencia que merece hacer escuela, pero que experimenta las turbulencias de un mundo que se ha vuelto loco. Las sociedades civiles necesitan tanto de esta solidaridad para hacer del porvenir un mundo viable.
Es imperativo lanzar nuestros zapatos, cada uno a su manera, al rostro de una dictadura ascendente que corre el peligro, cada vez más, de contaminar las políticas, ya sean nacionales o internacionales. Te agradezco, querida Lola, por tu lanzamiento de zapato, al rostro de las esferas de decisiones de tu país.
Me gustaría aprovechar mi carta abierta para ti Lola, para decir a todas las mentes libres y valientes, a todas las sociedades civiles también, que estos pequeños gestos, son grandes medios para realizar grandes revoluciones.
Entre a tu página web para asegurarme de la calidad de tu zapato, pues tu valentía me ha llevado a pensar en esos personajes enteros que Pedro Almodóvar describe tan bien.
Temo que si llevas tacones de aguja como Rebeca, el personaje principal de la película del mismo nombre, yo sea acusada de incitación de asesinato, yo que llevo velo y que por ello estoy en la lista de sospechosos y de violentos evidentemente.
Me tranquilicé al encontrar en tu página web una foto en la que llevas unos buenos zapatos para caminar con ángulos bien redondos. Me di cuenta también de las ruinas atenienses tras tu pausa determinada, y tú que eres psicoanalista y artista, significas la descomposición de los restos de una historia ateniense, ¡obligatoriamente democrática! Eso me dejo pensativa por un momento, sin diván, pero ¡volvamos a nuestros zapatos!
Su ángulo es inofensivo, no hay entonces ningún daño y los que quieran cogerme la palabra, no tendrán inconveniente en que envíes tu zapato al rostro de los que buscan acabar con la fuerza del pensamiento con la mordaza.
Hay tanto menos peligro, pues tu rostro inteligente me dice que entenderás muy bien el mensaje que se esconde detrás de mi manejo de imagen. El zapato al que yo hago alusión te concierne y tu dimisión que hará aún más mal que un tacón de aguja, transformado en ¡arma ciudadana! Vete para mejor permanecer, demisiona, protesta, habla, escribe, manifiéstate, vota, grita, en líneas generales, haz honor a tu humanidad.
Lola, guarda tu zapato, continua haciendo caminatas en Atenas y meditando sobre los vestigios de una era caduca, pero envía tu dimisión, ¡la Historia la recibirá!

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